Le harcèlement scolaire : ne minimisons pas les conséquences à long terme !
On entend beaucoup parler de harcèlement scolaire dans la presse, dans les médias. On parle des conséquences pour les enfants, pour les adolescents. Dans mon cabinet je reçois des adolescents mais surtout beaucoup d'adultes et je fais le constat que les souffrances associées au harcèlement vécu à l'école sont encore bien présentes des années plus tard.
Cette vidéo réalisée par des élèves dans le cadre d'une campagne contre le harcèlement envoie un message important : "Les gens ont vite zappé, pas elle."
Le harcèlement scolaire : qu'est-ce que c'est ?
Les résultats des études sur le harcèlement scolaire sont parlants : 1 jeune sur 4 rapporte avoir été victime de harcèlement au moins une fois dans sa vie à l'école primaire ou au collège. Pour 10 à 14% des jeunes ce harcèlement dure plus de 6 mois. Les filles et les garçons sont autant impactés mais là où les filles souffrent plus d'agressions sociales/relationnelles, les garçons sont quant à eux davantage victimes d'agressions physiques et verbales.
Quand parler de harcèlement scolaire ?
On parle de harcèlement scolaire lorsqu'un élève est victime de violences répétées :
- Verbales (insultes ou moqueries)
- Non verbales (gestes obscènes ou insultants)
- Physiques (coups, bousculades)
- Psychologiques (isolement des autres, rumeurs)
Ce qui diffère le harcèlement scolaire d'une autre forme de harcèlement c'est qu'il est presque toujours un phénomène de groupe. Il y a un harceleur, une victime et des spectateurs. C'est ce qui conduit petit à petit l'élève victime à devenir le bouc-émissaire.
Bien souvent, les élèves spectateurs restent passifs ou s'allient au harceleur par peur d'être eux-mêmes victimes de rejet et de harcèlement par la suite. C'est ce qui génère souvent l'impossibilité d'aller chercher ou de prévenir un adulte.
Ce type de harcèlement est donc très difficilement repérable puisqu'il se produit lorsque les adultes sont absents.
Et le cyber-harcèlement c'est quoi ?
Depuis une quinzaine d'années, les jeunes sont victimes d'une nouvelle forme de harcèlement : le cyber-harcèlement. C'est à dire que le harcèlement ne s'arrête plus une fois les portes de l'école passées mais perdure sur les réseaux sociaux, par mail, sms, etc.
Les jeunes victimes ont donc de moins en moins de répit. En effet, les études montrent que le cyber-harcèlement s'enracine dans la réalité et se poursuit sur internet et non l'inverse. Ainsi, 85% des victimes de harcèlement sur internet étaient également victimes de harcèlement classique et ce, indépendamment de leur temps passé sur internet. Ce serait donc une ancienne forme de harcèlement qui se saisit de l'outil internet.
Là ou le cyber-harcèlement est encore plus dangereux que le harcèlement dans les murs de l'école, c'est que le harceleur est à distance de sa victime et ne voit pas ses réactions directes. Ainsi, cela ne laisse pas la place à des processus d'empathie, et le harcèlement va beaucoup plus loin sur internet.
Le harceleur est également anonyme. Il peut se faire passer pour quelqu'un d'autre. Cela vient augmenter l'anxiété de la victime de ne pas savoir et en même temps déresponsabiliser l'auteur.
Le harcèlement scolaire : quelles sont les conséquences ?
Les conséquences du harcèlement à court terme
L'impact du harcèlement scolaire à court terme est aujourd'hui assez bien connu et documenté. Les jeunes victimes expérimentent un état de stress chronique ce qui peut avoir pour conséquences :
- une augmentation de l'anxiété
- l'apparition de symptômes dépressifs
- des symptômes psychosomatiques
- des phobies scolaires
- des troubles du sommeil
- des troubles alimentaires
- une diminution de l'estime de soi
- un risque suicidaire plus élevé que ceux qui ne sont pas victimes
Les signes physiques comme la perte d'appétit, maux de tête, problèmes pour dormir illustrent le fait que le jeune n'arrive plus à gérer ses émotions. Parce qu'ils apparaissent rapidement, c'est à ces derniers que les adultes, parents, professeurs doivent être attentifs pour repérer la souffrance.
Les conséquences du harcèlement à plus long terme
Les conséquences à plus long terme sont moins connues, moins discutées. J'entends régulièrement "c'était difficile mais il va s'en remettre". Les adultes que nous sommes avons parfois tendance à vouloir nous cacher la réalité.
L'enfant, l'adolescent, expérimente parfois pendant plusieurs mois cet état de stress chronique. Suite à cela, il est possible que ce soit difficile de retrouver l'état d'équilibre auquel on revient normalement après un stress.
En effet, les victimes de harcèlement scolaire présentent une perturbation des hormones du stress similaire à celles victimes de graves traumatismes. Une étude récente menée auprès de jeunes ayant été victimes de harcèlement a montré qu'une partie de leur cerveau, le putamen, était directement impactée dans sa maturation (Quinlan et al., 2018). Cette zone du cerveau est notamment impliquée dans la motivation, l'apprentissage et la régulation des émotions.
En conclusion, notre devoir en tant qu'adultes est d'ouvrir la parole avec les enfants, les adolescents sur le harcèlement. L'objectif est d'éviter les sentiments de honte et de culpabilité qui peuvent empêcher un jeune de se confier. Si votre enfant est ou a été victime de harcèlement, proposez lui un espace de parole, d'écoute afin qu'il puisse mettre du sens sur ce qui s'est passé et retrouver son estime de lui-même. La reconstruction identitaire sera alors beaucoup moins difficile qu'une fois adulte et l'état d'équilibre plus rapidement retrouvé.